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Général

18
Juin
2014

Débat du 26 mai 2014-Introduction d'Yves Krattinger
Débat du 26 mai 2014-Introduction d'Yves Krattinger

Le 26 mai 2014, un débat a été organisé sur le projet de réforme territoriale annoncé par le Premier ministre Manuel Valls et le Président de la République François Hollande.

Le Groupe de la Majorité départementale et le Président Yves Krattinger sont intervenus successivement pour défendre le rôle crucial du département sur nos territoires.

 

Après le discours de politique générale du Premier ministre et diverses annonces officielles parce que le discours de celui-ci a été approuvé par un vote de l'Assemblée nationale lui conférant une certaine valeur sur des sujets qui nous concernent et concernent les territoires.

 Dans ce que j'ai entendu, et pour autant que j'ai compris, parce qu'il y a eu beaucoup de déclinaisons par la suite qui peuvent prêter à diverses interprétations, le Premier ministre a d'abord annoncé une évolution de l'intercommunalité en envisageant, et en faisant voter le principe, le redécoupage de l'intercommunalité sur la base des bassins de vie avec, cela a été commenté rapidement, des intercommunalités plus importantes comptant au minimum 10 000 habitants, voire selon certains beaucoup plus. Je voudrais dire d'abord que nous venons de redécouper l'intercommunalité, il n'y a pas très longtemps. Michel WEYERMANN était rapporteur de la commission qui, en Haute-Saône, a fait un travail plutôt satisfaisant avec Monsieur le Préfet et tous les membres de cette commission aboutissant à ce que les propositions soient adoptées, je crois, à l'unanimité. On peut critiquer la manière dont cela se fait car une copie est toujours critiquable, mais ce vote est tout de même significatif d'une approbation, sans doute pas absolue, mais assez générale de ce qui a été élaboré. Cela a entrainé une diffusion, parfois sans effusion, avec un travail des services de l'État, de la Préfecture, et souvent une implication des élus y compris de la part des Conseillers généraux toutes sensibilités confondues pour essayer de gommer les difficultés qui apparaissaient ici ou là. Au final, toutes les communes sont dans les intercommunalités qui ont été concrétisées dans les périmètres tels qu'ils avaient été adoptés.

Aujourd'hui, chacune de ces intercommunalités est en train d'essayer de trouver le meilleur chemin en ce qui concerne les compétences, l'organisation, les orientations, etc. Dans la même période, ces intercommunalités ont le mérite de travailler avec nous à l'élaboration des programme PACT avec une perspective en ce qui concerne le PACT 2019 et une mise en œuvre du schéma départemental « Haute-Saône 2020 ». Je ne suis pas sûr qu'il soit facile de redécouper aujourd'hui. Je me dis que quelques plaies sont encore à vif. Pour avoir fait le tour de ces intercommunalités, j'ai entendu beaucoup de choses, certaines positives, d'autres plus inquiétantes. Dans les intercommunalités où il y avait beaucoup de communes, un grand nombre de petites communes s'interrogeaient sur leur place, sur la prise en compte de leurs préoccupations, sur l'impact budgétaire de certains transferts de compétence et, dans certaines communautés, non des moindres, la montée en charge des dotations de compensation qui amoindrissaient de manière significative leur budget. J'ai entendu tout cela et on peut le considérer comme banal, mais ce que disent les maires des petites communes ne l'est jamais complètement. Chacun des Présidents de communauté, chacun des bureaux de ces communautés cherche à donner de la cohésion quels que soit les élus en essayant de trouver un chemin pour la suite. Moi, je m'interroge. J'ai oublié de rappeler, mais je le fais à l'instant, que nous étions en application d'une loi de décembre 2010, donc votée sous un autre Gouvernement, qui a été très légèrement modifiée pour offrir aux communautés la possibilité d'augmenter un peu le nombre des membres du Conseil communautaire car la difficulté était de représenter tout le monde en proportion de sa population. Et cela est annoncé pour 2017.

 

Deuxième annonce du Gouvernement, du Premier ministre devant les Chambres, la réduction du nombre de Régions à 10 ou 12 pour faire de grandes Régions. Je reconnais puisque j'ai été cité dans le discours que j'ai écrit quelque chose sur le sujet avec Jean-Pierre RAFFARIN, que vous connaissez tous. Après avoir consulté beaucoup d'universitaires, de juristes, de représentants des médias, des chefs d'entreprise ainsi que des élus, nous sommes arrivés à la conclusion commune qu'il fallait des Régions plus fortes, plus puissantes tournées vers trois objectifs essentiels pour l'avenir du pays. En premier lieu, l'accessibilité globale du territoire puisque ces Régions devaient permettre d'ouvrir la France sur le monde par leur puissance d'intervention. Or, quand on s'ouvre sur le monde, il faut aussi que celui-ci puisse accéder aux Régions. Il y a donc des fonctions aéroportuaires, ferroviaires en train rapide, autoroutières et un certain nombre d'autres de ce type, mais également des dorsales très haut débit qui ouvrent sur le monde d'aujourd'hui comme sur celui qui est en train de se construire à une vitesse vertigineuse et qui déstabilise tout, mais qui est incontournable et dont on ne peut pas se désintéresser. Deuxième fonction que nous avions attribué était de préparer les entreprises et de les accompagner pour qu'elles soient compétitives dans le monde ouvert qui est devant nous. Il l'est déjà, mais avec l'explosion des communications très rapides et en particulier celle des idées qui circulent à la vitesse d'Internet, il faut que les entreprises soient préparées à cette compétition en les aidant sur l'innovation, sur leur montée en puissance, etc. Il faut que les entreprises de ces grandes Régions soient susceptibles de supporter la comparaison avec celles des pays voisins en Europe et avec celles qui sont en concurrence sur les autres continents. Il faut qu'elles puissent aller sur les marchés extérieurs avec la puissance nécessaire. Cela me semblait très important que, passant par le canal régional, les Régions soient moteur aux côtés des entreprises dans la compétition de demain. Il ne faut pas que les Régions soient demain des pompiers, je m'excuse pour ceux qui sont dans le public, qui interviennent seulement pour éteindre des incendies quand il y en a un qui se déclare dans telle ou telle autre entreprise. Même si cela doit se faire, il ne peut pas s'agir de la seule et unique raison. Les Régions ne seraient que des pompiers que cela ne serait pas bon parce qu'il y aurait des incendies partout. Le Premier ministre a repris cela dans son discours, je ne peux pas m'en offusquer puisque je l'avais écrit aussi.

 

Après, avec Jean-Pierre RAFFARIN, nous avons abondamment discuté de la question des Départements en distinguant deux situations. Il est vrai que dans les Départements qui sont extrêmement urbains, il y en a une petite dizaine en France, il est difficile pour nos concitoyens de distinguer la ville, l'agglomération et le Département. Il était bien sûr envisageable pour nous qu'il y ait un écrasement d'un des dispositifs sur l'autre pour gérer à l'intérieur d'une agglomération comme Lyon ou Paris et dans les départements de la première couronne, les voies de communication, les services sociaux , les lycées, les collèges parce que les limites paraissent un peu artificielles à l'intérieur de ces territoires.

Après, d'un commun accord, nous avions conclu que sur les territoires ruraux, le Département était l'outil approprié pour assurer les solidarités territoriales, la présence des services publics en complément d'autres collectivités comme les Communautés de communes pour faire en sorte que les territoires aient des projets et qu'ils ne deviennent pas des territoires de l'exception. Nous étions allés au-delà en disant que l'État devait se replier sur ses compétences régaliennes tout en veillant à la cohérence globale des démarches, des Régions et des territoires et que la suppression des services déconcentrés de l'État dans les compétences transférées s'imposait pour aller vers l'instruction unique par le Département des compétences départementales, l'instruction unique par la Région des compétences régionales et l'instruction unique par l'État, bien sûr, de ses propres compétences. Conserver dans de nombreux domaines des services de l'État, des Régions, des Départements et parfois des communes, de la CAF, des Fédérations sportives ou autres, c'est aujourd'hui injustifiable et pour le moins non-justifié. Je veux dire tout de même à cette assemblée que le rapport présenté en ces termes, que je résume, a été adopté par l'ensemble de la mission que présidait Jean-Pierre RAFFARIN et dont j'étais le rapporteur, à l'exception du groupe CRC, Communiste républicain citoyen au Sénat. Aujourd'hui, après les annonces du Premier ministre, j'ai été un peu surpris, mais en même temps il restait des portes ouvertes parce qu'on disait qu'il y aurait un grand débat sur la question des Départements et que celui-ci aboutirait en 2020-2021. Avec les lois de 1982, qui ont eu tout de même un réel impact, il a fallu attendre pour certaines d'entre elles une quinzaine d'années pour voir sortir tous les textes d'application aussi bien législatifs que réglementaires. On ne peut pas bouger les institutions comme cela parce que c'est compliqué. Dans les jours qui ont suivi, le Président de la République, puis le Premier ministre et d'autres ont dit qu'ils allaient agir beaucoup plus vite et qu'il fallait supprimer les Départements. Encore faut-il savoir le faire et ne pas oublier qu'il existe une constitution qui précise qu'en France il y a trois niveaux de collectivité, deux qui sont dans la Constitution depuis très longtemps, la commune et le Département, et le niveau régional qui est arrivé plus récemment lors de la réforme défendue et mise en œuvre par Jean-Pierre RAFFARIN lorsqu'il était Premier ministre. Supprimer les Départements suppose donc une modification constitutionnelle qui peut-être obtenue par diverses voies. Soit les deux Assemblées votent le même texte et le Président de la République les réunit en congrès à Versailles et elles confirment ce vote à la majorité qualifiée, auquel cas la Constitution est modifiée, mais il faut qu'elles aient voté dans les mêmes termes. Or, je peux me tromper, mais je ne vois pas très bien le Sénat actuel voter cela. Autre hypothèse, les Assemblées votent selon un article de la Constitution dont je ne sais plus le numéro, le Président de la République s'appuyant sur ce vote ne les réunit pas à Versailles, mais soumet le texte voté par les Assemblées au peuple qui décide, cela s'appelle un référendum. Il y en a déjà eu des référendums constitutionnels en France, le Général de GAULLE l'a utilisé plusieurs fois, mais la dernière fois qu'il y a recouru cela s'est retourné contre lui et il a été la victime de ce vote. Enfin, il y a une autre voie, un peu différente, qui permet au Président de la République, dans certaines circonstances, et là évidemment il prend un maximum de risques, de soumettre directement un texte au peuple. Je n'anticipe pas sur les choix qui vont être faits, tout le monde a lu la Constitution, beaucoup de gens se sont exprimés et le concours LÉPINE sur la façon de déshydrater et de faire maigrir le Département a grande vitesse tout en lui conservant une sorte de légitimité artificielle par l'existence d'élus avec diverses options et de quelques compétences qui pourraient leur revenir.

Les hypothèses qui ont été évoquées sont intéressantes intellectuellement. La première est de faire du Département une fédération d'intercommunalités avec un peu plus de compétences que celles qu'elles possèdent aujourd'hui, mais en oubliant qu'elles sont bien loin d'avoir toutes les mêmes compétences et ce n'est pas demain qu'elles seront toutes identiques car c'est compliqué. Nous le voyons et en mesurons toute la difficulté même si l'intercommunalité est une merveilleuse aventure depuis vingt ans maintenant, mais c'est une aventure avec des gens qui courent très rapidement, d'autres un peu moins vite et d'autres qui ne courent presque pas. Fédérer toutes ces différences risque de ne pas être très simple. D'autres font valoir qu'il serait possible d'élire les Présidents d'intercommunalité au suffrage universel, ce qui est également une nouveauté parce que pour le moment les choses ne se passent pas ainsi car les Présidents des intercommunalités sont élus par les membres des assemblées communautaires. Ils se réuniraient dans le chef-lieu du Département pour constituer un Conseil départemental, sachant que la plupart des compétences auront été évacuées vers les Régions, voire dans certains domaines, redonnées au Préfet, perspective qui ravit tous les Préfets de France parce que cela représenterait pour eux de retrouver un peu plus de force légitimité même si dans les territoires  comme la Haute-Saône ils n'ont jamais été méprisés ni par les élus ni par les citoyens. D'aucuns encore ont émis une autre hypothèse en revenant au Conseiller territorial, mais ayant conscience qu'ils ne pourraient pas se servir des cantons qui viennent d'être redécoupés parce qu'ils n'ont pas la même population moyenne selon les départements, ils disaient qu'on pouvait avec des élus régionaux faire en sorte que ceux qui sont élus dans un département puissent constituer le Conseil départemental et gèrent les restes du département. Ce n'est pas très simple. Ne pouvant pas faire une élection nominale sur les bases actuelles et ne voulant pas refaire un redécoupage qui venait d'être fait, ils ont proposé de faire à la proportionnelle régionale avec des listes départementales à la proportionnelle, tout cela étant aussi avec un nombre impressionnant d'habitants pour que cela colle avec la région ou bien un système Paris-Lyon-Marseille où les premiers des listes vont à la Région et les autres, au Département. Je pense que le résultat d'hier fera réfléchir tous les experts en « constitutionnalité » et en « électoralité » et dans tous les domaines. Cela va appeler à la mesure, on ne sait jamais. Nous avons déjà vu les résultats de la proportionnelle surprendre, parfois. D'autres également ont imaginé tous les cas de figure... Moi, j'entends et je me dis que tout cela, qu'il s'agisse des Régions parce que nous regardons cela sous l'angle stratégie en se demandant quelles compétences fondamentales pour faire avancer le pays avant de dire ce qu'il faut découper, des Départements, en s'interrogeant sur quels services publics, quels services aux publics, quelles solidarités entre les territoires, entre les communautés et l'avenir des communes car il faut considérer tout ces aspects, et bien tout cela me questionne. Je me dis, et nos concitoyens, et les entreprises, et les associations, qu'est-ce que cela signifie ? A priori, il n'est pas scandaleux d'en parler car nous ne devons pouvoir discuter de l'organisation territoriale et chaque idée présente aussi des avantages comme des inconvénients, mais les Présidents des Départements, toutes sensibilités confondues, m'ont dit qu'il fallait que ce sujet soit débattu pour savoir ce que va devenir chacune des compétences que nous exerçons apparemment coûteusement aujourd'hui parce que si on veut nous supprimer, c'est que nous coûtons trop cher.

 

 

Yves KRATTINGER